J'ai rangé ce sujet dans "vie quotidienne", car ce qui est simple ailleurs ne l'est pas ici, et cela complique sacrément notre vie.
On parle souvent dans les médias des "déserts médicaux". Je vis dans un endroit comme ça. Depuis des années, il n'y a plus de médecin au village, plus de médecin stable qui serait chez nous toute l'année. Il y a 15 ans, nous en avions deux... L'un est parti à la retraite, l'autre a préféré s'installer dans la vallée.
Entre un établissement thermal qui reçoit presque 3 000 curistes et une station de ski avec ses multiples blessés, sans parler de tous les touristes, un médecin aurait pourtant de quoi s'occuper !
En 2013, pour la saison d'été, il nous est arrivé une espagnole, compétente, dévouée et de plus très sympathique. Mais, pour des raisons personnelles, elle n'a pas pu rester.
En 2014, la situation fut encore plus difficile. Un nouveau médecin était là début mai. Hélas (ne le répétez pas, je serais accusée de diffamation) il avait dépassé l'âge de la retraite, son cerveau semblait un peu fatigué et il a fini par s'en aller au bout de guère plus d'un mois. Le village, oh ! chance, a fini par en trouver un autre, mais il habitait en Suisse où il avait laissé sa famille. Il s'absentait donc assez souvent.
En 2015, une roumaine est venue nous sauver. Mais elle n'est pas restée pour l'hiver. Elle ne reviendra qu'en mai.
Si nous voulons aller chez le médecin, nous devons descendre à 7 km, à notre ancien chef-lieu de canton.
Ce n'est pas drôle, mais on fait avec, pas d'alternative.
Pour me consoler, je me dis que certains aimeraient voir ce paysage en descendant, plutôt que des embouteillages.
Il n'y a pas que les médecins.
Je vais vous raconter le gag des dentistes. Il y a 15 ans, époque faste, nous en avions deux à notre ancien chef-lieu de canton, à 7 km comme je le dis plus haut. Mais l'âge de la retraite a sonné, et aucun des deux n'a trouvé de remplaçant. Patients, locaux et matériel abandonnés.
Il faut aller au nouveau chef-lieu de canton qui, curieusement et sans relation de cause à effet, est maintenant à plus d'une demie heure de route (quand tout va bien). Ils sont nombreux là-bas, mais leur secteur est tellement grand que la misère sévit aussi.
Une amie avait besoin d'un dentiste en août, on lui a proposé un rendez-vous en novembre ! ! ! Elle a fini par aller à Lourdes. Là-bas on fait des miracles ! On peut y trouver un dentiste en plein été.
Et moi, pauvre cruche naïve, j'ai attendu d'avoir un souci pour chercher mon futur dentiste.
La petite-fille de Voisine m'a dit qu'elle allait chez une roumaine. Pas de souci pour moi. Si les jeunes français qui ont fait leurs études payées par nos impôts ne veulent pas travailler chez nous, je ferai travailler les étrangers. Sauf que la roumaine n'a jamais répondu à mes multiples appels, et n'a pas rappelé après mon message téléphonique.
J'ai tenté un cabinet où ils sont très nombreux : rendez-vous dans deux mois pour les nouveaux patients. Et si on a besoin de plusieurs séances, longue attente entre les deux. Pourvu que je n'aie pas mal d'ici-là.
Inquiète, j'en ai essayé un autre : ne répond pas au téléphone lui non plus, et n'a visiblement pas de répondeur.
J'ai tenté ma chance avec encore un autre cabinet où ils sont deux. Surprise, quelqu'un me répond. Un extraterrestre probablement, car c'est moi qui lui apprends qu'il y a pénurie de dentistes. Première nouvelle me dit-il. Il me demande comment je l'ai trouvé, qui m'a recommandée. Il est stupéfait d'apprendre qu'on peut utiliser les pages jaunes de l'annuaire. Il m'explique qu'il fait surtout les prothèses. Mais moi, je veux juste faire grattouiller mes vraies dents. Il dit qu'il peut aussi faire ça. Il me note un rendez-vous dans deux semaines. Je suis dubitative...
Un copain me dit que j'ai dû tomber sur l'original (un vrai dinosaure ?) qui n'a pas d'ordinateur, ne prend pas la carte vitale, etc... Il m'en conseille d'autres, sérieux, à Pau : une heure et demie de route, mais plein de magasins, alors je prends un troisième rendez-vous.
Je vous raconte tout ça après ma première visite à Pau. Mes dents seront soignées par une jeune femme très agréable. Je n'ai plus qu'à annuler mes autres rendez-vous...
Ils ont de la chance les animaux de ma montagne. Dents saines jusqu'après la fin.
Mes genoux, toujours pas tout à fait en bon état de marche, ont encore besoin du kiné. Nous avons la chance d'en avoir un très bien qui monte jusqu'à nous deux demi-journées par semaine. Il est tout à fait français, bien que son prénom et son nom soient d'origine étrangère. Il a une associée vénézuélienne, et une remplaçante espagnole. L'autre jour, j’ai eu un autre remplaçant : roumain lui aussi ! Heureusement que les étrangers sont là, et qu'ils veulent bien travailler ailleurs que dans les grandes villes !
D'ailleurs, les établissements thermaux emploient chaque année des cohortes d'espagnols, portugais, polonais, roumains et autres.
Et pendant ce temps, les jeunes français qui veulent faire des études dans le médical sont recalés aux exams, même avec plus de 16 de moyenne. Bravo aux médecins en poste dans les hautes sphères qui s'opposent à un trop grand nombre d'étudiants, car ils ont peur d'avoir moins de CLIENTS et de voir baisser leur chiffre d'affaire. Tant pis pour les PATIENTS. C'est un ami médecin qui nous a expliqué ça.
Alors, quand on vit loin d'une grande agglomération, on attend et on fait des kilomètres.
Et quand on remonte, on se dit que, malgré tout, on n'a peut-être pas mal fait de venir "s'enterrer" au bout du bout de cette route :
Photos de la route prises ce matin, juste après une chute de neige, avant le verdissement de la nature.