Bonjour tout le monde,
je suis absente de la blogosphère depuis un bon moment, car j'ai l'esprit occupé ailleurs. Mais tout va presque bien (sauf la météo). Je fais un passage pour vous recommander un moment de télé.
Mercredi 16 avril, france3 avait programmé "Le procès PAPON". Maurice PAPON fut secrétaire général de la préfecture de la Gironde, entre 1942 et1944, pendant une partie de la guerre. Cette histoire ne dit rien aux jeunes, mais elle "parle" aux baby boomers dont nous faisons partie, l'Ours et moi.
Mes parents sont arrivés à Bordeaux en juin 1944, juste après le débarquement en Normandie et le repli très violent de la célèbre Division Das Reich qui venait de commettre les massacres de Tulle et d'Oradour.
Leur premier appartement se trouvait sur la rive droite de la Garonne, non loin du pré PINÇON (article très instructif pour ceux que Bordeaux et la guerre intéressent) où ils entendaient "péter les bombes". Je sais maintenant que c'était la DCA allemande qui visait les avions alliés. Mes parents arrivaient de Lyon où ils avaient échappé à un gros bombardement mal ciblé des américains.
La cité Pinçon toute neuve (mon nom mis par erreur, photo "volée" sur le net)
Mon père prenait son premier poste de commissaire de police. La période était troublée, la vie n'était facile pour personne. Il avait reçu un ordre (dans la famille, personne ne se souvient lequel : encore traquer des juifs ? on ne sait plus) qui ne lui convenait pas du tout, car contraire à sa morale. Il a donc feinté et mis en place une brigade de recherche de voleurs de bicyclette dont il fut fier toute sa vie : cette brigade a obtenu de très bons résultats...
Tout ce dont je me souviens de la guerre, c'est la base sous-marine, des blockhaus un peu partout, le "Camp de Mérignac" et ça :
Sur plein de maisons, il y avait ce genre de peinture. À Bordeaux, ce n'était pas ce modèle : il y avait écrit "ABRI 10 places" (ou un autre nombre, selon les caves). Mes parents m'avaient expliqué ce que cela signifiait. Quand la sirène annonçant l'alerte-bombardement résonnait, tous les gens devaient se réfugier dans ces locaux jugés assez sûrs pour les protéger. Mais les places étaient limitées. Ces traces ont disparu, pourtant je pense tout le temps à ce que les français ont vécu, et à ce que vivent beaucoup trop de terriens encore maintenant, sur tous les continents.
J'en arrive enfin au procès PAPON, qui se tint à Bordeaux fin 1997/début 1998. Tout le pâté de maison englobant le tribunal était gardé 24/24 par la police. À cette époque, l'Ours et moi vivions tout près du centre, et nous déplacions toujours à pied quand nous allions en ville.
Il y avait, à ce moment-là le chantier du nouveau tribunal,(très belle photo) dans le même pâté de maison que l'ancien, l’École nationale de la magistrature, et les restes de l'ancien Fort du Hâ. Pendant le procès, tout le quartier était protégé nuit et jour par la flicaille.
L'ancien tribunal (mon nom mis par erreur, photo "volée" sur wiki)
Un soir, après le boulot, je partais acheter du coton à broder dans une de mes merceries préférées du centre-ville. Un fourgon de flics était garé dans un renfoncement de la clôture du chantier, mais son avant était sur le trottoir et même peut-être un chouia sur la piste cyclable, les flics étant assis sur les sièges avant. Je fus donc obligée de passer sur la chaussée, en maugréant. A mon retour, l'obstacle était toujours en travers de mon chemin, et il faisait nuit noire. J'ai frappé à leur vitre, les étonnant beaucoup. Je leur ai dit gentiment-poliment qu'ils gênaient et que c'était dangereux pour les piétons. Il m'ont rétorqué que c'était les ordres. J'ai insisté en leur demandant, en tant qu'êtres humains, de revoir un peu leur stationnement, leur suggérant qu'ils se sentiraient peut-être un peu responsables si un piéton se faisait renverser sous leurs yeux, par leur faute.
Comme ils campaient sur leurs positions, je leur ai dit : "je vais téléphoner à Castéja". Castéja était le siège du commissariat central, mon père y avait passé pas mal d'années et cela ne m'impressionnait pas du tout. Sitôt rentrée chez moi, j'ai donc appelé appelé le 17, et gentiment, poliment, calmement j'ai expliqué mon "problème" : dès le lendemain, le fourgon de flics n'occupait plus le trottoir...
De son côté, l'Ours partait au travail à pieds, tôt le matin dans la nuit, avec des chaussures à semelles ne faisant pas de bruit. Marchant vite, il a rattrapé deux flics qui patrouillaient sur le trottoir, le long du tribunal. Il s'est amusé à taper fort des pieds en arrivant tout près d'eux... qui ont été très surpris. C'était pendant l'hiver 1997/1998 et il en rit encore en y pensant.
À la même époque, l'Ours a dû aller au tribunal pour une histoire de sécu/maladie professionnelle : c'était une vraie forteresse gardée comme Fort Knox.
Ça, c'est nos souvenirs personnels liés au procès.
Nous n'avons assisté à aucune des audiences, car il y avait plus de candidats que de places. Mais, grâce à ce téléfilm, en trois épisodes, nous avons pu nous rattraper. Ce sont de vrais extraits des séances, avec des témoignages d'époque et de maintenant. Nous avons trouvé cela très bien fait, et pas ennuyeux du tout. Ce n'est pas un téléfilm, pas une histoire, c'est l'Histoire en vrai.
Et comme tout se recoupe, Mlle Lune, étudiante en histoire, a choisi "La police à Bordeaux pendant la guerre" comme sujet de thèse. À ce titre, elle a accès à plein d'archives pas ouvertes au grand public. Elle me pose parfois des questions, mais je suis en général incapable de l'aider : je suis née après la guerre, mon père est décédé juste avant qu'elle naisse, et tous ses vieux amis sont morts eux aussi.
Voilà. Si vous avez du temps libre, et la possibilité de regarder la TV en différé, je vous conseille de prendre le temps nécessaire : ce n'est pas ennuyeux du tout, je trouve le montagne très bien fait. Vous avez le lien à la première ligne de cet article.
Je vous souhaite une bonne fin de weekend avec un temps plus sympa que le mien.
À bientôt