• Russie, russes

     

    Bonjour tout le monde,

    Aujourd'hui, je vous fais du blablabla, je suis incapable de faire autrement. J'égrène tout simplement des souvenirs. Je n'ai même pas réussi à faire un petit ouvrage en solidarité.

     

     

    Russie, russes

     

    Carte trouvée sur http://www.communcommune.com/

     

    Cette histoire de guerre déclarée par Poutine inquiète tout le monde. Et elle nous perturbe personnellement, car nous connaissons plusieurs familles de russes. La vie fut tellement dure pour les populations de l'ancien bloc soviétique que rien ne leur semblait difficile. Pour l'Ours et moi, la phrase qui les caractérise, c'est "Nié problèm !" (pas de problème !). La "débrouille" est leur seconde nature. 

    Nous avons eu la chance pouvoir faire partir Cadette en URSS, alors qu'elle était encore collégienne. Elle était passée par Moscou, et avait profité d'un séjour en Ukraine, dans un camp de pionniers, au bord de la mer Noire. Elle avait beaucoup aimé cette expérience, malgré le barrage de la langue.

    Quand Cadette est partie au lycée, elle a voulu faire russe en troisième langue vivante. En 1990 il y a eu un échange avec un établissement scolaire de Moscou. Vika (Victoria) est donc venue chez nous en mars 1990. Elle n'avait que quinze ans et nous avons été surpris par son excellent niveau en français, ainsi que par sa connaissance de notre littérature et de notre histoire. D'ailleurs, quand elle a vu mon père, elle l'a aussitôt baptisé Charles-le-Chauve.

     

    Un beau jour de juillet, toujours en 1990, Fille aînée était seule à la maison quand elle a reçu un appel : "la mère de Vika était en train d'arriver avec un ami". Panique à bord : comment ?  pour un repas ? pour dormir ? quand exactement ? comment savoir ? pas de téléphone portable. On a attendu son arrivée. En fait, comme Tamara travaillait dans une ambassade, elle voyait passer beaucoup d'étrangers. Elle avait sympathisé avec un routier français, qui logeait chez elle quand il était à Moscou, et il l'avait emmenée dans son camion : la débrouille, un voyage gratuit. Pas un français n'aurait l'idée de débarquer chez des inconnus en prévenant trente minutes avant d'arriver...

    C'était au moment de la Cutty Sark, un rassemblement de prestigieux grands voiliers. Un soir très tard, en partant regarder les navires, nous marchions derrière un groupe de marins. Tamara, qui était d'origine lituanienne, les a interpellés car ils parlaient la langue de chez elle. Voilà comment notre petit groupe franco-russe a visité, totalement en dehors des heures de visite, le Krusenstern superbe bateau affecté à un port de la mer Baltique.

     

    Russie, russes

     

     Quand on n'a pas appris à lire le cyrillique, ce mot ne ressemble à rien.

     

     Étant donné que nous fréquentions des russes, nous étions invités à Moscou. Nous nous sommes inscrits à des cours de russe dans l'association France-URSS, au moins pour pouvoir lire les noms de rues et demander notre chemin si nous allions là-bas. Notre prof fut Olga, récemment arrivée à Bordeaux. À Moscou, Olga était prof de français et d'italien. Elle était venue travailler à l'université de Bordeaux pour gagner des sous. Pour une paire de baskets dans un magasin pas cher, elle pouvait acheter (à Moscou) un billet d'avion aller et retour.

    Une autre année, Vika et Tamara sont venues passer quelques jours en France.  Elles avaient commencé par Paris, chez une autre correspondante de Vika et elles nous ont fait payer leur train entre Paris et Bordeaux. Elles sont reparties par Marseille, car Vika voulait visiter le château d'If, et elle avait vu sur la carte que c'était près de Bordeaux... Sauf que nous, français pas riches, nous n'avions pas l'habitude de faire 1 200 kilomètres juste pour visiter un monument historique. Déjà que recevoir des russes nous avait coûté cher ! Il avait fallu faire une déclaration préalable à la mairie (qui faisait une enquête sur les "invitants"), et payer une assurance obligatoire : nous devions nous garantir au cas où nos invitées auraient eu l'idée de rester en France. J'avais appris, par une dame mariée avec un russe, que chez eux tout est dû à l'invité : hébergement et nourriture (jusque là c'est normal pour nous aussi), sorties, et même argent de poche. Nos civilisations sont différentes.

    Nous avons donc visité le Château d'If, dans des conditions remarquables, je dois le reconnaître. Nous étions seules dans cette forteresse : deux françaises (cadette et moi) et trois russes ( Vika, Tamara et Olga). C'était le premier février, le ciel était d'un bleu extraordinaire, un moment inoubliable. Nous avions posé nos sacs et nos manteaux au milieu de la cour : ils ne risquaient rien.

     

    Russie, russes

     

    Après la visite, nous les avons transportées jusqu'à Marignane, bien contentes de se "débarrasser" d'elles et de leur machine à coudre : oui, elles n'avaient pas d'argent pour les transports intérieurs en France, mais Tamara avait acheté une machine à coudre ! La honte dans les magasins où elle voulait marchander une surjeteuse à moitié prix, mais les marchands n'ont pas cédé.

    Elles étaient gentilles, mais épuisantes. Elles ne faisaient aucun effort pour vivre à notre rythme : c'est ça les russes. Par contre Tamara nous a fait un peu de cuisine. Je nous vois, et nous entends ! au marché des Capucins, le ventre de Bordeaux, en train d'acheter le nécessaire pour faire un borchtch. Elle ne parlait pas un mot de français et mes trois mots de russe ne suffisaient pas. Donc, l'anglais était notre seule langue commune. La tête des marchands quand nous avons acheté nos légumes ! D'autant plus que mon anglais datait du lycée, quitté depuis 25 ans.

    Cadette a une copine de lycée, DO. devenue sa meilleure amie. Ensemble, elles sont allées plusieurs fois en Russie, leur maîtrise de la langue étant un sacré avantage. Vika est venue assez régulièrement, chez nous, chez Cadette, chez DO. et a fini par se marier avec un copain de jeunesse de DO. Le mari s'ennuie trop à Moscou, elle a un bon boulot là-bas, vive l'avion ! нет проблем ! (Nié problèm) !   Mais, confinements, guerre... Nous sommes sans nouvelles.

    J'ai évoqué Olga plus haut. Elle était notre prof, et nous avons sympathisé. J'avais un peu étudié l'espagnol, et j'avais très très envie de visiter Cordoue, Grenade et Tolède. L'Ours et moi devions aller une semaine en Espagne pour visiter villes et monuments. J'ai proposé à Olga de nous accompagner, car elle était curieuse de tout. L'ancienne URSS venait de se disloquer, et Olga était inquiète. Dans tous les bars où  il y avait une télé, elle écoutait fébrilement les infos. Avec sa connaissance du français et de l'italien, la langue de Cervantès ne lui posait aucun problème. Mais c'était cocasse quand elle voulait parler : elle avait un sacré accent italien, et s'étonnait quand je le lui disais.

    Au cours de russe, j'avais retrouvé un ami de toujours. Nous avons proposé à Olga d'inviter son mari et sa fille pour les vacances d'été. Elle a accepté avec joie. Nous les avons emmenés dans le Tarn et à Carcassonne. Igor parlait mécanique (il s'étonnait que nous ayons des voitures diésel, car chez eux seuls les camions étaient équipés ainsi) avec l'Ours, et Olga, qui parlait pourtant couramment français, se plaignait qu'elle ne maîtrisait pas tout le vocabulaire technique. Je leur ai fait découvrir les asperges qu'Olga ne connaissait que par la littérature. Mon plus gros succès culinaire fut un plat d'artichauts ! Ce légume les a énormément amusés, et les travaux pratiques pour apprendre à les manger nous ont tous fait beaucoup rire. Si vous recevez des russes, pensez-y : ça doit également marcher avec les ukrainiens.

     

    Russie, russes

     

    Olga et sa famille vivent maintenant en Allemagne.

    Pour finir, un énorme mimosa vu il y a quelques années, juste avant que les fleurs n'éclosent complètement. Ces fleurs jaunes me font toujours penser à Olga : ce 8 mars-là, nous revenions d'Espagne, et des quantités de mimosas sauvages égayaient le bord de la route. Olga ne cessait de dire "les hommes offrent des fleurs aux femmes le 8 mars" et l'Ours ne comprenait pas. Il a fallu que je l'oblige à s'arrêter pour nous en cueillir deux bouquets. Ce n'est pas pour rien que je l'appelle l'Ours !

     

    Russie, russes

     

     

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  • Commentaires

    4
    Lundi 14 Mars 2022 à 08:50

    Bonjour la  Fourmi

    C'était épique en 1990 chez toi avec tes invités russes .

    Je découvre leur culture bien différente de la nôtre je ne savais pas du tout .

    Et pour les artichauts cela n'a pas changé depuis ?

    C'est vrai que la culture de l'artichaut  ne doit pas être courante en Russie et pourtant il y a des recettes d'artichauts à la russe .

    J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ton récit .

    Bises

    3
    myriam
    Vendredi 11 Mars 2022 à 10:58

    merci pour ce beau recit !

    je suis un peu concernée car mon aine a epouse une Ukrainienne  ; je n ai pas eu le plaisir de la rencontrer ; elle a une petite fille de 7 ans et l angoisse est grande en ce moment ;

    toute sa famille est la bas ; sa maman est en Roumanie ; son papa est resté a Kiev avec la grand mere intransportable , et le papa de la petite est sur le front ! quelle situation épouvantable dont on ne voit pas d issue pour le moment ! comment peut on laisser " ce monstre" il n est pas fou parait il ?tuer des innocents 

    je suis triste , en colère impuissante !

    bonne journée

    2
    Lalibricole
    Jeudi 10 Mars 2022 à 08:28

    Merci pour cette belle histoire la fourmi !

    Bisous et belle journée

    1
    Isabelle Miaou
    Mercredi 9 Mars 2022 à 08:32
    Isabelle Miaou

    Agréable de lire tout ceci ..qui me rappelle d'autres récits que tu nous fis de ces périodes ...
    bon mercredi!

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